Avant
de quitter Rimbaud, quelques derniers comptes à régler...

Dévotion (p. 141).
Après une invocation assez
sage, le ton se fait impertinent. De la prière, quelle que soit sa
forme, on arrive à la disparition de toute dévotion, par la
disparition des mystères qui la sous-tendaient.
Rimbaud se détache par le mépris des
attitudes religieuses apprises autrefois.
Démocratie (p. 142).
"Conscrits du bon
vouloir, nous aurons la philosophie féroce, ignorants pour la
science, roués pour le confort, la crevaison pour le monde qui
va".
Cette caricature d'une
politique civilisatrice, qui détruit, corrompt, abrutit, avec la
meilleure conscience du monde, fait frémir.
Une telle sévérité, à l'âge d'or
de l'épopée coloniale, révèle une grande liberté de
jugement et une lucidité sans concessions.
Scènes (p. 143).
Rimbaud évoque le phénomène
éternel et universel du Spectacle. Une large oscillation fait
tournoyer les structures: scène, gradins, coulisses, machineries, décors,
jeux de lumière. Elle enveloppe les spectateurs. Elle suggère la
comédie antique, le drame lyrique, l'intermède de boulevard, la
musique. C'est le règne de l'Illusion.
Par petites touches, qui montrent la diversité de sa culture,
l'auteur nous peint l'immense comédie humaine, une comédie
qui ne manque ni de programmes, ni de matériel, ni de spectateurs,
témoins passifs. Curieusement, les acteurs (les actifs) y
restent invisibles...
Soir
Historique (p. 145).
Pour un spectateur à l'âme
simple, un enchantement se lève. Tout le légendaire des
récits médiévaux surgit, et on se croit passé de l'autre côté
du miroir, comme Alice au pays des merveilles.
"La main d'un maître
anime le clavecin des prés, on joue aux cartes au fond de l'étang,
miroir évocateur des reines et des mignonnes".
Mais c'est bientôt la
grande farce de l'humanité, où s'écroulent les trônes et les
empires.
Un monde ennuyeux et mesquin s'établit.
"La même magie bourgeoise à
tous les points où la malle nous déposera".
Il sera inévitablement
anéanti par le déluge et par le feu.
La désillusion
et la malédiction sont ici particulièrement rudes.
Bottom (p. 147).
"La réalité étant
trop épineuse pour mon (son) grand caractère",
l'auteur va fuir dans le monde animal, qui permet toutes les
incongruités.
Il est oiseau explorateur dans un salon, ours amateur de myrtilles,
animal aquatique. Et il termine âne "claironnant
et brandissant mon (son) grief", applaudi
par les femmes!
Cette fantaisie est une amusante façon
de tourner en ridicule ce qui agace et d'échapper à son ennui.
H
(p. 148).
"Toutes les monstruosités
violent les gestes atroces d'Hortense".
Il y a sans doute une délectation
perverse dans ce que suggère ce début tout en sifflements.
Mais la satisfaction des pulsions les plus folles ne va pas sans blessures
et tourments, porteurs, sans doute, de nouvelles délices...
Voilà les troubles de l'adolescence exposés
dans un épouvantable miroir grossissant. Pauvre Rimbaud!
Quelques
derniers comptes à régler...
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