Fragments sans titre.
(p. 107).
Cette matinée de juillet évoque d'une façon surprenante,
avec son atmosphère brouillée, son humidité, son odeur de feu, une tristesse
plutôt automnale.
Le paradoxe de cette mélancolie
en été exprime admirablement le mal-être, (l'inadaptation) de
Rimbaud.
(p.108):
*** Cet être aérien
qui touche à l'impossible, en créant des liens à travers l'espace,
peut-on imaginer plus joli symbole?
"J'ai tendu
des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des
chaînes d'or d'étoile à étoile , et je danse".
Profitons de ce moment de sérénité, dans la quête
épuisante du poète.
*** "Le haut étang..."
et "Pendant que..."
Des formes
indistinctes, inquiétantes, ou douces se meuvent dans le ciel.
*** "Avivant..." L'auteur crée une ambiance intime
en noir et blanc, et, de l'ombre, la rêverie surgit, plus véritable
pour le poète que le réel.
Rimbaud n'a plus besoin du
monde qui l'entoure!
Ouvriers (p. 109).
Rimbaud s'invente ici une identité et une raison sociale,
qui lui permettent d'accumuler les poncifs paupéristes des banlieues ouvrières
du Nord: campagne misérable, ciel bas, arrière-fond d'usines, couple naïvement
endimanché.
Ces faux souvenirs amènent rejet
de ce qui lui vient de l'enfance, tristesse, rancune.
Les Ponts (p.110).
Un graphisme aérien et mouvant de lignes qui se
croisent, s'arrondissent, ou s'effilent, dans des tonalités de gris trouées
de passages lumineux, fait naître un enchevêtrement de ponts.
Cette brillante abstraction
géométrique s'urbanise en masures, en cordages, en parapets, en dômes. Elle
se peuple de silhouettes et de sons. Milieux, époques, traditions s'y
confondent en un concert indistinct.
Puis tout se résout dans l'immensité des éléments primordiaux.
"L'eau est grise et
bleue, large comme un bras de mer. Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit..."
Rimbaud ne se laisse pas prendre longtemps à la
vision du monde qu'il habite. Il le détruit bientôt, et prend sa
distance en le niant d'un mot:"comédie"!
Ville (p.
111).
Dans une ville nouvelle, purgée de toute
superstition, de toute culture, de tout principe, où rien dans la conception,
l'architecture ou l'ameublement ne rappelle quoi que ce soit du passé, la vie,
qui devrait être merveilleuse, n'a pas comblé les voeux du poète.
L'intérêt s'y est
singulièrement réduit, et avec lui, la durée de l'existence.
On ne peut guère que s'ennuyer, mourir,
tuer...
C'est
l'impasse, et le désespoir.
Ne prenons pas le bourdon, avec tout ça!
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une embellie au milieu de la révolte.
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