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Second postulat, il est possible de formaliser les
comportements économiques.
Le postulat initial de la rationalité
économique des agents permet de modéliser les comportements économiques. La loi de
l'offre et de la demande en est une bonne illustration. Le problème est de savoir comment
déterminer un prix? Deux courbes qui se croisent sur un graphique simple suffisent a en
comprendre la logique. Une courbe descendante représente l'augmentation des quantités de
produits demandés (la demande) lorsque les prix baissent. Une courbe ascendante exprime
l'augmentation des quantités de produits fabriqués (l'offre) lorsque les prix montent.
Il est alors facile de comprendre que, malgré ces comportements contradictoires,
l'intersection des deux courbes représente une situation idéale où vendeurs et
acheteurs peuvent se rencontrer. C'est le prix.
Dès les années 30,
les économistes vont développer l'usage du langage mathématique pour illustrer leurs
hypothèses. Leon WALRAS écrivit en 1874 un des premiers ouvrages de mathématique
économique intitulé "Éléments d'économie politique pure" en tentant de
construire son modèle abstrait de concurrence "pure et parfaite". Il
considérait d'ailleurs l'économie comme une des branches des mathématiques. Cet ouvrage
ne fut traduit en anglais qu'en 1954, c'est à dire au moment où les mathématiques se
généralisèrent en économie. De même, les travaux qui suivirent la publication de la
"Théorie générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie" de J.M. KEYNES
en 1936 s'inspirèrent-ils largement des mathématiques, malgré la méfiance du maître
de Cambridge à l'égard de ce langage. Par exemple, la formule Y + M = C + S + X
synthétise l'ensemble des activités de production et d'échange dans un espace
économique donné. Or, la somme de ces quelques signes recouvre une myriade d'actes
individuels, de motivations diverses, de succès et d'échecs, de joies et de peines.
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La complexité humaine est réduite à la dimension
d'une variable mathématique. Le particulier, le spécifique, l'original, sont
négligeables puisque seules les variables signifiantes (qui ont un sens collectif) sont
prises en compte.
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Ainsi, la formalisation mathématique a-t-elle, tout
à la fois, permis d'éclairer les "mécanismes" économiques et d'opacifier le
désir humain. Dans "Le Savant et le Politique" en 1924, le sociologue Max WEBER
avait très tôt dénoncé les risques de cette rationalisation scientifique. L'homme
n'est-il que raison? Pour l'économie, fondamentalement, oui.
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Troisième postulat, tous les phénomènes
économiques ont une dimension monétaire.
La place des
mathématiques en économie exige d'utiliser une unité d'abstraction et de calcul
commode. La monnaie constitue naturellement cette unité de mesure. L'échange monétaire
synthétise de manière simple les niveaux de satisfaction atteints; selon que l'on a plus
ou moins de monnaie on se positionne dans une échelle de reconnaissance universelle.
L'économiste libéral Milton FRIEDMAN considère ainsi que toute activité économique
dépend essentiellement du volume de monnaie en circulation. Il en fait même une
"loi observée depuis des siècles et qui a la même régularité que celles des
sciences naturelles" (Michel
BEAUD, La pensée économique depuis Keynes, Points Seuil, p. 274). Dans ce cas, la motivation économique est
directement dépendante de l'existence de monnaie.
La monnaie comporte, de plus, l'avantage d'être
une unité de compte universelle, qui, par simple jeu d'addition et de soustraction,
transmet des informations essentielles. Elle est la langue économique par excellence.
Pourtant toute relation d'échange ne se réduit
pas à ce moyen.
Le don, par exemple,
constitue une forme d'échange dont Marcel MAUSS a montré, dans son "Essai sur le
don" de 1924, combien il était créateur d'alliances et non de séparation, comme
l'est la propriété. De même le troc, parce qu'il ne nécessite pas d'échange
monétaire, est marginalisé du discours économique. Or l'un comme l'autre, ne peuvent
être évalués. Ils n'entrent donc pas dans le champ des sciences économiques mais se
trouvent relégués dans l'outillage exotique de l'analyse ethnologique. Ce qui démontre
assez bien comment les Sciences Économiques se pensent avant tout comme sciences des
échanges monétaires.
Concluons cette première étape.
Dès leur création,
les Sciences Économiques ont cherché à intégrer le statut enviable des sciences dures.
Or, les trois postulats posés ( rationalité des agents, formalisation des comportements,
place de la monnaie) finissent par produire un système d'analyse. On peut entendre
"système" d'un double point de vue.
Les Sciences
Économiques construisent d'abord un système formel (voir Jean LADRIERE, "Système",
Encyclopédia Universalis, ed. 1996, T. 21, p. 1029) au sens où un tel système est
constitué de "propositions formulées dans un langage particulier (...) et qui forme
un tout articulé dans lequel chaque proposition a une relation avec chacune des
autres". Dans le cadre de cette définition, les trois postulats précédemment
posés sont bien interdépendants. Les économistes déduisent de la rationalité
économique des agents qu'elle peut être mesurée par un outil spécialisé, la monnaie,
et que la construction de modèles cognitifs est alors possible.
Mais ensuite, d'un autre point de vue, les théories économiques finissent par élaborer une
représentation du monde dans laquelle elles sont le moyen et la fin. A ce titre, elles "font" système. Toute analyse théorique
aboutit à construire ce qu'elle s'est donnée d'interpréter. Par exemple, la lecture
keynésienne de la crise des années 30 dans la "Théorie Générale..." fut le
point de départ de toutes les politiques économiques d'après guerre. Car, en effet, la
théorie économique a ceci de particulier qu'elle n'est pas purement spéculative. Elle
devient pratique sociale. Or, dans cette circularité logique, que se passe t-il lorsque
l'un des postulats fondateurs est remis en question ?
Autrement
dit, quand l'incertitude vient poser un coin sur la rationalité des agents, n'écorne
t-elle pas le statut scientifique des Sciences Économiques ? |
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l'incertitude économique
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