"AU
BORD
DU
FLEUVE CONGO"
Sur les bords du fleuve Congo, qui coule au milieu de
l'Afrique, juste en face de la grande île M'Bamou, où viennent dormir les perroquets, il
y avait un village de pêcheurs. C'est là qu'habitait bébé Casimir dans une jolie case
de terre et de branchages, que Maman Maria balayait soigneusement chaque matin, pour
chasser les araignées et toutes les vilaines bêtes qui piquent.
Quand elle travaillait la terre, pour faire pousser les tomates et les pommes de terre, quand elle
préparait le manioc, en le raclant sur une planche pour en faire une belle pâte bien
blanche, quand elle lavait le linge au marigot et qu'elle l'étendait sur les branches
basses du manguier, elle posait son petit à côté d'elle et elle chantait tout doucement
pour l'endormir: "mwana kitoko, m'boté Casimir mwana, mama tamboula,
tamboula mama Maria" (ce qui veut dire en Lingala: joli
bébé bonjour, bébé Casimir la maman travaille elle travaille mama Maria
Quand elle allait vendre au
marché de Poto-Poto ses citrons qui ressemblaient à de grosses billes vertes et ses papayes
rafraîchissantes, elle l'installait solidement dans un boubou multicolore assorti à son
pagne et elle l'emmenait avec elle. C'était beau de la voir s'avancer, bien droite, une
grosse calebasse posée en équilibre sur sa tête, et dans son dos, son bout de chou dont
la tête brune se balançait au rythme de la marche. Mama Maria l'emportait partout, elle
savait que la brousse est dangereuse pour les jolis petits garçons dodus.
Quand Casimir a eu trois ans, il a appris
à compter: "mossi, zolé, tatou, iya, pata..." (1, 2, 3,
4, 5...) il a bien fallu aussi le laisser aller tout seul, comme ses camarades, qui eux,
avaient lâché depuis longtemps le pagne de leur maman.
"Tu peux jouer dans le village et jusqu'à la lisière du bois, mais jamais
au bord du marigot ni le long du fleuve. C'est là que le caïman guette les petits
enfants désobéissants. Tu me promets d'être sage et de ne jamais aller là-bas?"
Casimir a promis tout ce qu'on voulait, maman est allée cueillir des
bananes derrière la maison, et il et resté sagement à l'ombre du fromager (c'est un
très grand arbre qui ressemble au baobab mais en bien plus beau), pour confectionner une
pirogue comme celle de papa avec des bouts d'écorces... Ensuite il a essayé de la faire
naviguer sur la terre battue de la case, mais vraiment ce n'était pas très intéressant:
une pirogue qui ne va pas dans l'eau, est-ce que c'est une pirogue? Juste une minute, pour elle voir si elle
flotte bien! Casimir fera tellement vite que maman n'aura pas le temps de s'inquiéter, ni
le caïman d'ouvrir sa vilaine bouche.
D'ailleurs où avez-vous un caïman? Il y a
seulement là-bas au bord de l'eau un vieux tronc d'arbre tout pourri: rien à craindre,
sauf la fessée de maman si elle apprend quelque chose....
Petit
Casimir approche de l'eau sans bruit, il se penche vers une flaque pour y poser....
miséricorde! en un éclair le tronc d'arbre a ouvert son immense bouche pleine de dents
pointues, "clac!" il a attrapé la jambe comme dans une tenaille et il tire, il
tire l'enfant vers l'eau profonde où il va le noyer: "Maman, maman!"...
Le caïman tire tire, mais le petit s'est
agrippé à une racine et il résiste de toutes ses forces, ses menottes sont tout
écorchées, il va lâcher... "Maman, maman!"
Dès qu'elle a entendu le cri, elle a compris, elle jette son panier et
elle file jusqu'au fleuve, plus rapide qu'une sagaie. Elle attrape sous les bras le petit
qui déjà glisse vers l'eau, et elle tire, elle tire, pour résister au caïman qui ne
veut pas laisser partir son déjeuner. Courage Mama Maria! Il faut sauver l'enfant! Ses
deux pieds enfoncés dans la terre humide, elle s'enracine pour tenir bon, et elle tire,
elle tire de toutes ses forces. De toutes ses forces aussi tire le caïman vorace....
Tout d'un coup la
méchante bête laisse échapper Casimir et "plouf" fait un grand plongeon dans
l'eau. Alors "Boum" la maman tombe à la renverse avec son garçon dans les
bras! Elle rit, elle pleure, elle l'embrasse, elle l'étouffe et elle crie: "Vilain
m'poutou! (m'poutou, c'est le diable!) c'est comme ça qu'on
écoute maman? Tu vas voir ce que fera papa!"
Quelqu'un pleure tout près? il n'y a personne et pourtant on entend de gros
sanglots!... Mais, mais oui! C'est le caïman qui gémit en versant de grosses larmes de
crocodile: "Qu'est-ce que je vais devenir? mais dents
sont trop vieilles pour attraper seulement un petit garçon de rien du tout, et je vais
mourir de faim!"
Mama Maria est si contente d'avoir retrouvé son Casimir
qu'elle a oublié sa peur et sa colère:
|
"Pauvre vieux ne t'inquiète pas!
c'est moi qui te donnerai à manger, tu auras les petits poissons que papa Lucien rapporte
du fleuve et même quelquefois, des morceaux de capitaine (c'est le plus beau poisson
qu'on puisse pêcher), à la condition que tu ne cherches plus à nous manger, ni toi ni
tes frères." Le
vieux caïman a tenu parole, il n'a plus attaqué personne et aucun
caïman n'a plus jamais fait de mal aux gens du village. |
Retour à "Bienvenue les
enfants"
Retour à la page d'accueil de
philagora
|