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Rubrique
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Quelques
perspectives sur Harmonie
du soir de Baudelaire.
Dialogue entre
Oui-oui et Hibou. (page 1 et page
2)
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Hibou: C'est
un pantoum, forme de poème dans lequel le second et le quatrième
vers de chaque strophe reviennent comme premier et troisième vers
de la strophe suivante. cela donne un mouvement progressif, un
rythme envoûtant qui endort les puissances de résistance du
lecteur, qui le charme: cela met tout en harmonie et en musique.
Oui-oui: Comme
l'indique le titre, Harmonie du soir. On semble bien loin de
La cloche fêlée.
Hibou: C'est
un soir d'été, il a fait chaud, c'est l'occasion de jouer avec les
correspondances horizontales: l'Esprit est aux aguets pour saisir et
exprimer ces correspondances.
beaucoup ont voulu au XX ème
siècle que les sens correspondent directement entre eux par la
magie du panthéisme, par des correspondances purement naturelles.
Baudelaire, au contraire, fait toujours intervenir un mouvement: le
mouvement renvoie à la mémoire et à l'activité de l'esprit qui
relie ce qui, sans son activité, disparaîtrait. Il faut comprendre
que sans l'esprit et le mouvement il n'y aurait pas, pour
Baudelaire, de correspondances horizontales, de synesthésies.
Baudelaire renvoie le panthéisme à l'obscurité première d'une
nature inconsciente. On trouve en effet trois sortes de mouvements:
le balancement qui berce (de la fleur, au vers1; de l'encensoir, au
vers 2),
le tournoiement (vers 4, 7, 10, 16),
la rigidité de ce qui se fige, l'arrêt
du mouvement (reposoir, au vers 11; se fige, au vers 12)
Oui-oui: Si
je comprends bien, l'esprit construit le mouvement comme médiateur
entre les sensations: sans lui, pas de correspondances horizontales.
Hibou: Ce
qui est admirable c'est que l'esprit utilise sans cesse des images
visuelles ou plutôt des suites d'images qu'il relie.
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Oui-oui: La
première strophe découvre un décor. Voici,
est solennel comme une prophétie de la Bible.
Le pluriel les,
annonce l'abondance, c'est faramineux.
vibrant,
marque bien le balancement par une brise d'été et,
s'évapore,
suggère la chaleur, l'expansion de l'encens.
Hibou: L'encensoir,
récipient, au bout d'une chaînette, où brûle de l'encens et que
l'on balance, accentue le respect admiratif du poète devant
l'atmosphère mystique qui baigne le décor: c'est le symbole de la
prière qui s'élève vers Dieu.
Oui-oui:
Correspondances horizontales mises en relation par un mouvement: la
fleur que je vois, le parfum que je sens, les balancements de la
fleur, de l'encensoir.
Ce que j'entends, les sons, ce que je sens, les parfums, ce qui me
touche, l'air, mis en relation par le tournoiement, la valse où
chaque élément manque se perdre dans les autres dans un langoureux
vertige, dans
la volupté, au bord de l'évanouissement.
Hibou: C'est
une danse exprimant et l'expansion de la joie et la tristesse: la
valse s'arrêtera. Valse mélancolique et langoureux
vertige, un
chiasme au vers 4 marque bien la correspondance de ce qui en
apparence se distingue.
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Joseph Llapasset
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