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La Fontaine, Les animaux malades de la peste. (VII 1)
  L'horreur:

      
Le déroulement du récit est très clair: Une situation de crise est exposée.
Le Conseil du Lion va élaborer une solution en 3 temps:
             un long discours du roi,
des confessions publiques diversement appréciées,
              une exécution vite expédiée.
Une morale donne pour finir la portée générale de l'événement.

Lisons lentement la fable toute entière avant d'en aborder le détail.

Dans les vers Vers.1 à 14: exposé de la situation en 2 mouvements, d'abord d'une façon théorique et quasiment métaphysique ensuite sur un plan plus concret.
V.1 à 6: c'est le déchaînement du mal avec toutes ses colorations: épouvante, colère divine, culpabilité, épidémie, mort, guerre, et dans sa plus grande extension puisqu'il touche le ciel, le terre, le monde infernal et tous les vivants. La phrase unique étire en relatives et en apposition l'angoisse éveillée par le sujet., "un mal" pour n'atteindre le groupe verbal principal qu'au 6ème vers.
Voyons cela plus précisément: un mal qui terrorise!

* 1 "Un mal qui répand la terreur", ce mal est posé sous sa forme la plus inquiétante par un indéfini: "un". L'étendue de son pouvoir "qui répand' se manifeste par un sentiment total et incontrôlable: "la terreur'.
* 2-3 "mal que le ciel en sa fureur
          inventa pour punir les crimes de la terre
"
:
ce mal est d'autant plus insaisissable que répété sans déterminant, d'autant plus inévitable que venu d'en haut, plus inéluctable que ressenti comme un châtiment universel. Sentons le frémissement menaçant contenu dans les "l", les "r", les "s", le "f" des 3 premiers vers.
* 4 "La peste( puisqu'il faut l'appeler par ce nom)":
voici enfin lâché ce mot qu'on hésitait à prononcer, comme aujourd'hui, hélas, ceux de cancer ou de sida! Car c'est bien de cela qu'il s'agit, d'une atteinte qui fait peur parce qu'on ne peut pas s'en garantir, parce qu'on la ressent comme un maléfice mystérieux et parce qu'elle menace tout le monde.
* 5 "capable d'enrichir un jour l'Achéron"
l'Achéron, ce fleuve mythique des lieux infernaux (avec le Styx, plus connu) était familier aux contemporains de La Fontaine, qui avaient à l'esprit le monde d'en-bas tel qu'il est évoqué chez Homère et chez Virgile: un peuple innombrable de morts devenus des ombres gémissantes et sans forces. Il faut se rappeler, pour comprendre qu'il n'y a pas d'exagération dans les termes utilisés les grandes épidémies de peste qui jusqu'à l'époque moderne firent disparaître en quelques jours, quelques semaines, quelques mois, des familles, des bourgades, des villes entières.
* 6 "Faisait aux animaux la guerre".
C'est une poursuite implacable. Les "animaux" nous amènent au second mouvement de l'introduction:

Le mal dans sa réalité concrète! (Vers.7 à 14)

* 7 "ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés"
L'espoir éveillé par "ils ne mouraient pas tous", est anéanti par la fin du vers "étaient frappés", tandis qu'au milieu, par un effet de chiasme, ou construction en croisement "tous"se trouvent enfermés sans pouvoir s'échapper. La suite des vers confirme ce désespoir avec "point, nul, ni, ni, plus, plus".
* 8 "On n'en voyait point d'occupés
     à chercher le soutien d'une mourante vie


* 10 ni loups ni renards n'épiaient
    la douce et l'innocente proie.
    les tourterelles se fuyaient:
    plus d'amour, partant plus de joie"
.
.
Pire que la mort c'est la négation de la vie. Les instincts primordiaux, la faim, le désir sexuel ont disparu et en même temps ce qui caractérisait telle espèce, la chasse ou la tendresse. Quelle tristesse dans ces longs imparfaits (temps de la durée de la contemplation)! Quel découragement devant une entreprise donnée au Vers.9 comme impossible par l'alliance d'idées opposées "soutien/mourante" et quelle lassitude dans ce participe qui dure au point de devenir un adjectif.

* Aux Vers.11-12 en 2 octosyllabes voici, magistralement posé en négatif, le guet silencieux des deux prédateurs, et par une sorte de contagion irrationnelle, notre pitié pour "la douce et l'innocente proie" va envelopper ces chasseurs annihilés par le mal.

* Au Vers.13, attitude paradoxale et même suicidaire de ces oiseaux-caresse de notre bestiaire. Dans l'évocation de l'épidémie, il n'a pas été question de souffrance mais de vie blessée.
Au V.14, La Fontaine choisit de conclure par le plus grave: la disparition du bonheur qui ne peut exister sans le plaisir de l'amour, c'est là un cri du coeur: "plus d'amour, partant plus de joie".

     Le conseil du lion (Vers.15 à 63) va chercher une solution. Son discours ouvre la séance
     (V. 15 à 33, en y incluant sa confession)
* 15 "Mes chers amis,
    je crois que le ciel a permis
    pour nos péchés cette infortune.
   Que le plus coupable de nous
    se sacrifie aux traits du céleste courroux.
   Peut-être il obtiendra la guérison commune.
    L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
    on fait de pareils dévouements.
    Ne nous flattons donc point. Voyons sans indulgence
    l'état de notre conscience.
"
-Avec chaleur et simplicité "mes chers amis", le lion s'affirme solidaire de tous les animaux par l'utilisation de la première personne du pluriel (3 pronoms personnels, 3 possessifs, 2 impératifs), il montre un grand souci de la "guérison commune". Sans arrogance "je crois", "peut-être", "l'histoire nous apprend", il propose une explication religieuse du fléau (déjà suggérée dans l'introduction), "le ciel a permis cette infortune", "pour nos péchés", et il annonce une solution religieuse, celle très classique dans les temps anciens d'une victime expiatoire: "se sacrifie", "céleste courroux", "dévouements" (c'est à dire consécration à la divinité).

- Avec les mots: "coupable...indulgence...conscience...que le plus coupable périsse", le conseil devient cour suprême de justice, car il faut bien chercher maintenant un Bouc Emissaire. Une fois éveillée la crainte du sacré, le lion peut se montrer sévère et cela d'autant plus qu'il ne se dissocie pas du groupe; Il joue le jeu et s'accuse le premier:
* 25 "Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
    j'ai dévoré force moutons
".
non content d'avouer ses fautes, il utilise des mots qui soulignent sa culpabilité: "appétits gloutons...dévoré...force (bien pire que beaucoup) "
* 27 "que m'avaient-ils fait? nulle offense". Il balaie la circonstance atténuante de la vengeance comme il avait négligé celles de la faim ou de la rareté des faits. Quelle confusion dans cet aveu au rythme haché, avec le final génial, en rejet!:
"même/il m'est arrivé/quelquefois/de manger
le berger
".
-Qui n'admirerait une telle sincérité, un tel courage et qui ne penserait que le grand coupable s'est généreusement dénoncé et va sauver son peuple?
Malheureusement, le roi poursuit... et tout bascule!
"Je me dévouerait donc, s'il le faut. Mais je pense
qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi:
car on doit souhaiter selon toute justice
que le plus coupable périsse
".
Ainsi, sous couleur d'équité, le roi se montre bien décidé à trouver un autre coupable que lui-même. Un discours qui avait commencé sous le signe de la solidarité et de la transparence s'achève dans la comédie et le mensonge; Le lion n'a plus qu'à laisser parler sa cour érigée en tribunal.
 

                     On commence par absoudre le lion (Vers.34 à 42)

* C'est le renard qui s'en charge, sur un ton qui rend légère toute faute: désinvolture du "eh bien...en les croquant", tellement agréable et tellement pardonnable! fausse hésitation bien vite effacée dans:
"Est-ce un péché. non, non". Le rusé minimise les fautes du roi en flagornant:
"Vous êtes trop bon roi,
Vos scrupules font voir trop de délicatesses,
Vous leur fîtes, seigneur,
en les croquant trop d'honneur
".      En vilipendant ses victimes: "canailles, sotte espèce,... il était digne de tous maux", et en présentant comme des usurpateurs :
"Ces gens-là qui sur les animaux
se font un chimérique empire
"
.   (notons la flatterie du mot "chimérique")

* 43 "Ainsi dit le renard et flatteurs d'applaudir": son autorité s"impose dans le premier hémistiche, très net par ses termes et son rythme, tandis que s'exprime dans le second la rumeur confuse des courtisans: pas de déterminant, mode impersonnel du verbe.
Voilà donc le lion mis hors de cause. Le ton est donné pour la suite. Il y aura ceux qu'on excuse rapidement: les Grands, puis les forts en gueule (Vers.44à 48) et enfin les petits représentés par l'âne qu'on laissera s'enferrer pour le condamner férocement.

* 44 "On osa trop approfondir
    du tigre ni de l'ours, ni des autres puissances
    les moins pardonnables offenses
".

C'est grâce à l'intimidation que les Grands ne sont pas retenus en examen. La licence poétique qui met en avant leur personnalité pour rejeter leur faute dans l'ombre est particulièrement bienvenue. Remarquons pourtant la gravité des faits soulignée par le superlatif: "les moins..."
* 47 "Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins": voilà maintenant ceux qui en imposent, parce que malgré une situation médiocre, ils ont le verbe haut et la dent dure.
* 48 "au dire de chacun étaient de petits saints". Dans ce milieu agressif et hypocrite, on se craint et on se soutient mutuellement, aussi les faux témoignages vont-ils bon train.
Nous sommes arrivés au bas de l'échelle sociale "jusqu'aux simples mâtins", sans avoir trouvé de coupable!

* 49 "l'âne vint à son tour": curieusement alors qu'on n'a guère pris le temps d'écouter les aveux des autres, sauf ceux du lion, qui étaient exemplaires, on va laisser l'âne s'exprimer à loisir:
     "J'ai souvenance
     Qu'en un pré de moines passant,
    Le faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
,
    Quelque diable aussi me poussant,
   Je tondis de ce pré la largeur de ma langue
".

"J'ai souvenance", il y a une douceur un peu désuète dans l'évocation d'un passé dont il n'a rien oublié, comparons avec la désinvolture du lion: "Quelquefois...". Les précisions: "la faim...l'occasion, l'herbe tendre"pourraient être des circonstances atténuantes puisqu'il avoue aussi sa gourmandise.. Quant à l'allusion au "diable", elle trahit à la fois le remords et le péché de celui qui a succombé à la tentation. Seulement l'âne dans sa naïve confiance insiste sur sa culpabilité: "Je n'en avais nul droit puisqu'il faut parler net" . Il imite ainsi son roi:
"Que m'avaient-ils fait? nulle offense". Le succès sera bien différent, car les jeux sont déjà faits: "A ces mots, on cria haro sur le baudet": Haro, cette clameur horrible donnait le signal du déchaînement populaire sur un coupable, celui-ci n'est plus un âne mais un "baudet".

* 56 "un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
    Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,

   Ce pelé, ce galeux d'où venait tout le mal

   Ce pelé, ce galeux d'où venait tout le mal
".
Au royaume de la langue de bois, on s'offre le luxe d'un simulacre de procès. Il suffira pour cela d'un juge mal dégrossi, choisi surtout à cause de sa brutalité bien connue. Ses preuves se limiteront à des affirmations violentes: "Il fallait dévouer...maudit (voué au malin)...d'où venait tout le mal", à des insultes: "pelé =misère,...galeux=contagieux...à trois démonstratifs pointés sur la pauvre bête dans un geste accusateur.
.
59 "Sa peccadille fut jugée un cas pendable". Il suffit donc pour envoyer un innocent à la potence qu'une foule anonyme (la forme "fut jugé" est passive: pas de responsable nommé) en décide ainsi. La structure de l'alexandrin, qui place aux deux extrémités: "pendable....et .. cas pendable", deux notions inconciliables en bonne justice, pour les identifier l'une de l'autre à l'hémistiche: "fut jugée", souligne le caractère paradoxal et arbitraire de ce retournement.
.
60 "Manger l'herbe d'autrui, quel crime abominable!
    Rien que la mort n'était capable
    D'expier son forfait: on le lui fit bien voir
".

 Les assistants manipulés par l'orateur et soulagés d'avoir trouvé leur victime s'en donnent à coeur joie: indignation absurde, cruauté, la formule au style indirect libre évoque les cris hostiles de la foule.
Sur la lancée dans le second hémistiche du Vers. 62, c'est l'exécution, anonyme elle aussi du "on". La Fontaine laisse imaginer la fin affreuse. Comme au début, lorsqu'il évoquait les ravages de la peste, il nous épargne tout voyeurisme: la retenue classique, c'est cela!


Il est difficile de trouver fable plus sombre, ici l'horreur d'un fléau naturel est surpassée par celle du cynisme des hommes détenteurs d'un pouvoir. La Fontaine dans sa morale en tire une leçon très amère:
         
"Selon que vous serez puissant ou misérable,
          "Les jugements de cour vous rendrons blanc ou noir".


Depuis Le Loup et l'Agneau, composé il y a plus de 10 ans, son opinion n'a pas changé:
"La raison du plus fort est toujours la meilleure", et c'était celle déjà des Anciens qui lui avaient servi de modèles.

Pour Les animaux malades de la Peste, il s'est inspiré de prédicateurs du XVIème siècle qui dénonçaient la discrimination sociale pratiquée chez certains confesseurs, indulgents aux crimes des Grands et impitoyables aux faiblesses des humbles.. Chez La Fontaine l'alternative est sans nuance:
-Dominant ou dominé (petit ou grand).
"Les jugements de cour":nous en voyons ici 3 aspects: La cour du roi, une cour de justice, la justice d'une foule en colère, il s'agit d'une force qui impose pour son profit sa loi à plus faible qu'elle.
Faut-il faire de La Fontaine un champion de la justice sociale? Ce n'était pas sa préoccupation véritable mais il ne craignait pas non plus la disgrâce n'ayant jamais connu la faveur, ni l'emprisonnement non plus, cependant nous pouvons saluer ici son indépendance d'esprit et sa lucidité, remarquables en un temps où la volonté royale paralysait chez beaucoup le libre exercice de la pensée. Rappelons aussi la belle fidélité du poète en ses débuts pour son ami Nicolas Fouquet lorsque la colère du Roi s'abattit sur ce dernier.

La Fontaine connaît l'art de faire varier les tons utilisant tour à tour les tons très oratoires lors de la description de la peste, le style doux de l'élégie lors de la peinture apitoyée des animaux, le discours musclé du lion avec son habileté démagogique, le discours de complaisance lors de l'absolution servilement accordée à celui-ci par le renard; Enfin nous reconnaissons les accents naïf d'une complainte lors des aveux de l'âne, puis la hargne et la violence des invectives populaires à la fin du récit.
Cette variété de registres est absolument dans la façon de celui qui proclamait: "
diversité, c'est ma devise", nous en trouverons bien d'autres exemples!

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