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Jean
Jaurès et
laffaire de Panama.
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La mise en
liquidation judiciaire de la Compagnie Universelle du Canal Interocéanique, en février
1889, fut un événement aux multiples conséquences :
-
Il marque la ruine de nombreux petits
épargnants auxquels Ferdinand de Lesseps avait fait appel pour une entreprise dont il
avait mal évalué le coût.
-
Il met en lumière limprudence, le
complicité ou la malhonnêteté, cristallisée autour du nom prestigieux de
Clémenceau,
de ceux qui avaient voté une loi autorisant le dernier emprunt au mépris du rapport
défavorable des experts;
-
Il jette donc le discrédit sur les
représentants de la république dautant plus que lopinion généralise,
amalgame, confond.
Pendant deux années, les
politiques, par le pouvoir qui étouffe les paroles, essaient bien de jouer du silence.
Mais en 1993, il est trop
tard: une revue antisémite, "La libre parole", a déjà édité une série
darticles sur les " dessous de Panama "
Un financier
véreux tente alors dobtenir laide du pouvoir politique en confiant à la
presse une liste de noms des représentants du peuple qui auraient confondu la priorité
à luniversel, leur devoir, avec leur générosité restreinte en acceptant des
chèques (on les appellera les "chéquards"
)
A la majorité absolue lassemblée élira Jaurès membre de la
commission denquête.
-
Écoutons-le maintenant: Le 8 février 1893:
sa haine ne porte jamais sur lhomme mais sur un système où lor commande
jusque parmi les représentants du peuple: un État dans lÉtat.
-
Le 13 Mars 1893, il rappelle le gouvernement
à son devoir républicain de vérité et de justice: qu'il lexerce jusquau
fond de la caverne du Panama: cest la seule attitude qui pourrait restaurer la
dignité dune République parlementaire.
Joseph
Llapasset
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SÉANCE PARLEMENTAIRE DU
8 FÉVRIER 1893
"Je me permets de dire à
l'honorable M. Cavaignac et à M. le président du Conseil qu'il ne suffit pas d'apporter
ici des protestations indignées. Ce n'est pas Juvénal qui est chargé de conduire les
affaires du pays; il ne suffit pas de flétrir et de dénoncer les scandales, il faut dire
encore comment on entend les déraciner et en empêcher le retour.
M. MILLERAND. - Très bien très bien
M. JAURÈS. - Eh bien depuis quelques années, entre les
intentions généreuses, honnêtes qui viennent d'être exprimées ici, et la politique
des gouvernements successifs, il y a une contradiction singulière. (Très bien! à
droite.)
Que voyons-nous, en effet? Qu'avons-nous constaté dans cette triste
affaire de Panama? D'abord -je le dis bien nettement - que la puissance de l'argent avait
réussi à s'emparer des organes de l'opinion et à fausser à sa source, c'est-à-dire
dans l'information publique, la conscience nationale, Or, au moment même où se
pratiquait cette sorte de sophistication de la pensée publique, il y avait dans des
centres ouvriers des syndicats qui se cotisaient pour fonder des journaux non pas avec de
l'argent pris ici ou là à des banques nationales ou cosmopolites, mais avec l'épargne
prélevée sur les salaires. C'était là une ébauche de la presse loyale représentant
vraiment l'opinion, et cette presse instituée par les syndicats des travailleurs, vous
l'avez interdite. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche.)
M. LE PRÉSIDENT DU
CONSEIL. Non !
M. JAURÈS. Et
puis, que constatons-nous, messieurs ?
C'est qu'il a surgi dans ce pays des institutions financières et
capitalistes qui se sont emparées des chemins de fer, de la banque, des grandes
entreprises, qui ont avoué avoir leurs caisses de fonds secrets avec lesquelles
communiquait la caisse des fonds secrets gouvernementaux pour établir l'équilibre.
Je dis qu'au moment où l'on fait une constatation semblable, qu'au
moment où l'on voit qu'un État nouveau, l'Etat financier, a surgi dans l'Etat
démocratique, avec sa puissance à lui, ses ressorts à lui, ses organes à lui, ses
fonds secrets à lui, c'est une contradiction lamentable que de ne pas entreprendre la
lutte contre cette puissance qui détient les chemins de fer, les banques, toutes les
grandes entreprises. (Applaudissements à lextrême gauche.)
Et enfin quelle est la constatation la plus douloureuse qui ressort du
procès qui a été engagé ? Si dans toutes les affaires qui se sont produites, il était
facile de faire le départ entre ce qui est honnête et ce qui est malhonnête, s'il
était facile d'absoudre à coup sûr, oui, la conscience publique serait aisément
satisfaite; mais ce qui la trouble, ce qui la bouleverse, ce qui vous obligera à chercher
des solutions sociales nouvelles pour rétablir la conscience humaine dans son équilibre,
c'est précisément que dans l'ordre social actuel, avec le tour nouveau qu'ont pris les
entreprises et les affaires, le divorce grandissant de la propriété et du travail, il
est impossible de discerner sûrement l'honnêteté et la malhonnêteté, l'entreprise
loyale et l'escroquerie; c'est que nous assistons à une sorte de décomposition sociale,
où on ne peut dire que telle nuance s'arrête à la probité légale, tandis que telle
autre se rapproche de l'infamie, (Interruptions.)
M. LE PRÉSIDENT. - Veuillez écouter en silence, messieurs toutes les opinions ont le
droit de se produire à cette tribune.
M. JAURÈS. Et j'espère, monsieur le président, que celle-ci a le droit de se produire ici,
car elle est la traduction concrète du sentiment d'honnêteté qui est dans toutes les
consciences.
Je dis qu'il ne suffit pas d'apporter de vagues protestations
d'honnêteté comme celles qu'apportait à la tribune M. Cavaignac, mais qu'à des
solutions morales nouvelles, il faut donner comme sanction et garantie des solutions
sociales nouvelles. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)
Oui, monsieur le président du Conseil avait raison de dire que ce
n'est pas là -et c'est le seul point sur lequel je sois pleinement d'accord avec lui- que
ce n'est pas là un étroit procès instruit contre quelques hommes entre les murs
étroits d'un prétoire; c'est le procès de l'ordre social finissant qui est commencé,
et nous sommes ici pour y substituer un ordre social plus juste. (Applaudissements sur
quelques bancs à gauche. - Mouvements divers.) |
SÉANCE
PARLEMENTAIRE DU 13 MARS 1893
M. JAURÈS.--
Messieurs, j'ai le droit, comme républicain, de dire pourquoi il m'est impossible de
répondre à l'appel qui vient de nous être adressé par M. le président du Conseil. (Ah
! ah ! sur divers bancs.)
M. le président du Conseil a
renouvelé les objurgations qu'adressait à la Chambre et à la majorité républicaine,
M. Burdeau.
L'un et l'autre nous disent :
"Il est temps de se débarrasser de ce cauchemar qui hante la conscience publique ;
il est temps de sortir de cette nuée fétide et triste qui enveloppe le pays pour se
tourner vers la lumière des grandes discussions et résoudre enfin les problèmes
sociaux."
Je leur réponds d'un mot ce qui
pourrait arriver de pis aux discussions sur les problèmes sociaux, ce serait
d'apparaître comme une dérivation aux affaires du Panama..
Tant que vous n'aurez pas réglé
cette question, tant que le pays sentira qu'il subsiste en elle quelque chose d'obscur,
d'inconnu et de mystérieux, quoi que vous disiez, il ne pourra pas penser à autre chose;
Il n'y a qu'un moyen d'en finir, c'est d'aller au fond de la vérité tout entière avec
l'énergie tout entière.
M. RIOTTEAU. Eh bien! allez-y au
fond, vous.
M. JAURÈS. - Il y a trois points
sur lesquels le gouvernement a été tout au moins malheureux. Je ne reproche pas à M. le
président du Conseil. d'être un chef de parti; son premier devoir est de défendre la
République, parce qu'elle résume les destinées mêmes du pays; mais je trouve qu'il a
été un chef de parti malheureux; je lui reproche précisément, comme républicain, de
donner à la République une posture humiliée qui ne doit pas être la sienne.
Oui, la République, par votre
faute, par vos atermoiements, par vos hésitations, vos compromissions, prend posture
d'accusée, elle qui devrait être accusatrice; vous pouviez faire tourner à son
bénéfice l'affaire de Panama par l'énergie de la répression, et l'autorité que cette
énergie vous eût donnée, vous pouviez la tourner contre ces entrepreneurs, ces grands
seigneurs de la presse mondaine qui insultent et outragent la République; vous pouviez la
tourner contre cette corruption mondaine et demander compte à un état social dont M. de
Mun demande la réforme -. dont ses amis ne veulent pas, d'ailleurs - de toutes ces
misères, de toutes ces hontes (très bien ! très bien ! à gauche); vous le
pouviez, mais à une condition, à la condition d'avoir acquis l'autorité d'un
accusateur en faisant la pleine et entière lumière; la pleine et entière justice!
si c'est ce que vous avez voulu faire, vous n y avez pas réussi. (Interruption.). Il
était du plus haut intérêt que les papiers dArton fussent saisis; vous ne les
avez pas, et vous avez laissé s'amasser au-dessus de la République le nuage qui distille
ou la vérité ou le mensonge sans qu'on puisse les discerner. (Bruit.)
Je ne m'imposerai pas longtemps
à la Chambre. J'ai voulu seulement remplir mon devoir en disant pourquoi je refusais mon
vote au gouvernement; non parce qu'il sert, mais parce qu'il dessert la République, parce
qu'il lui donne une attitude humiliée. Il ne l'a pas dressée assez haut pour en faire
une accusatrice ; il lui a donné une posture d'accusée.
Je ne puis pas accepter cette
attitude pour elle, parce que mieux armée par lui de la justice accomplie, elle pouvait
se retourner contre ses adversaires et ses ennemis et leur dire Vous n'êtes pas la
corruption accidentelle, mais vous représentez un vieil ordre social qui est la
corruption permanente. C'est parce que M. le président du Conseil a été malheureux,
parce qu'il n'a pas abouti, parce qu'il ne paraît prendre l'initiative des recherches
nécessaires que par suite des sommations de nos adversaires, parce qu'il met la justice
à la remorque de nos ennemis, et parce que nous ne sommes pas sûrs d'en finir vite et
bien, que je ne voterai pas pour le gouvernement. (Très bien ! très bien! sur divers
bancs.)
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Jaurès a bien
vu !
Les complicités, les
atermoiements, le refus de chercher la vérité et la justice, la politique des
"petits copains", ébranleront lamour de la République, nourriront
lanti-parlementarisme, détourneront lépargne française des grands travaux,
et paradoxalement prépareront une partie de lopinion à accepter linjustice
et laffaire Dreyfus.
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