Depuis quelques jours, une bruine de neige fine et brillante tombe sur la ville, il fait froid, on n'aurait pas envie de traîner dehors, mais, dans les vitrines illuminées, sont apparus de drôles de personnages en pain d'épices, assis sur des ânes, ou appuyés sur de grands bâtons à crosse recourbée. Ils sont bien appétissants, avec leur barbe en fruit confit, leur grand bonnet en nougatine et leur manteau garni de sucre coloré.
Qu'est-ce que c'est que ces gens-là?
Ce ne sont ni des bonshommes de neige, ni des pères Noël. Ce sont des
Saints
Nicolas. En effet, c'est bientôt le 6 décembre, et
Saint Nicolas va venir rendre visite à ses amis, les petits enfants.
Monsieur le Maire a fait repasser sa belle écharpe tricolore pour aller l'accueillir à sa descente du train. La fanfare municipale jouera
"Mon beau sapin" et on l'accompagnera en cortège depuis la gare jusqu'à la cathédrale, dans les rues décorées de branches de sapin, de gui, de houx, et pavoisées de guirlandes et de drapeaux.
Les enfants l'attendent avec impatience, car ils savent que ses poches sont bourrées de friandises qu'il va leur distribuer tout le long du parcours.
Jeannie
doit aller à la fête avec ses amies, Alexiane et Judith. " J'espère que tu as été sage, sinon, gare au Père
Fouettard!" a dit tante Valérie, qui veut bien les accompagner.
Le Père Fouettard? Aïe! Jeannie avait complètement oublié ce monsieur inquiétant qui accompagne toujours le bon saint. Quelle drôle d'idée, vraiment, d'avoir un ami aussi vilain, avec sa figure grise, son habit noir, et ce martinet qu'il secoue d'un air méchant! La petite fille s'inquiète, parce qu'elle a des choses à se reprocher.
Hier, elle a tiré les oreilles de Minette,
qui dormait sur son coussin sans ennuyer personne, la pauvre bête a sauté en l'air, et
Jeannie, au lieu de la rassurer, est restée derrière elle, en grondant comme le boxer de monsieur Sonderspiel qui lui fait toujours si peur quand il passe près d'elle.
Au retour de l'école, elle a trouvé par terre un gros feutre noir et elle s'est amusée à barbouiller les noms inscrits sur les boîtes aux lettres de son immeuble.
Pourquoi toutes ces malices? Elle ne sait pas, ça lui est venu comme ça. Personne ne l'a vue, elle en est sûre, mais elle se sent un peu honteuse de ces bêtises ni drôles, ni gentilles. En plus, voilà maintenant, ce diable de Père
Fouettard
qui va lui gâcher la fête. Elle a tellement supplié sa tante de les y amener qu'elle ne peut pas dire que ça ne l'intéresse plus... Faire semblant d'avoir très, très mal au ventre? on ferait venir le docteur, et ça c'est encore pire que le Père
Fouettard
. Allons, tant pis, on verra bien.