LES
FLEURS BLEUES de
Raymond Queneau.
VIII.
Ça
sent si bon la France
-
Une famille
sympa, un caïd... comme dans un film!
Une bonne petite famille
"sympa".
Un jour, au de-luxe, c'était presque la
réunion de famille: il y avait les deux soeurs avec leurs Jules,
qui venaient fêter les noces de la troisième avec son ératépiste. Manquait le beau-père,
qu'on n'avait pas songé à convier.
C'est pourtant un brave homme,
ce Cidrolin, "une espèce de père
tranquille, pas emmerdant pour un sou", et qui ne ferait
pas de mal à une mouche: quand il doit aller affronter un ennemi
embusqué dans l'obscurité, il s'arme d'"un
manche à balai, la seule arme dont il disposât, en dehors de dangereux
couteaux de cuisine".
En tout cas, "en
voilà un qui n'a pas grand-chose à fabriquer dans l'existence",
vu qu'il passe le plus clair de son temps à flemmasser sur une
chaise-longue.
Il va être tranquille, maintenant que toutes ses filles sont casées, même
Lamélie, "faut
reconnaître, je ne pensais pas qu'elle réussirait".
Le prétendant,
"le receveur du 421" (un
jeu de hasard, où les dés sont souvent pipés...), est "un
homme d'honneur", il a appris que, de son fait, il y
avait "un polichinelle dans le tiroir",
il est "disposé à
réparer", il faut "profiter de l'occasion".
Quant à offrir une dot, ou un
logement sur la péniche à ce futur ménage, "tintin",
déclare Cidrolin, "mes
filles, quand elles se marient, elles vont habiter ailleurs, c'est comme
ça."
Malgré ce chacun pour soi, les
filles tiennent à rendre visite au papa de
temps en temps:
"Alors tu
viens? dit Bertrande.
- Quelle barbe, dit Yolande, quelle corvée.
- Tu ne m'as pas épousée rien que pour le plaisir. Allez, ouste, en
route!... Et viens ici que je t'arrange ta cravate."
"Ils ont
rendez-vous avec Sigismonde et Lucet". Une
fois rendus à la péniche, tous jouent gentiment le jeu, on
complimente le beau-père sur ses travaux de peinture, on parle du
mariage de Lamélie :
"Bien sûr, dit
Cidrolin, j'aimerais mieux qu'elle reste, mais il faut qu'elle ait une
vie à elle, cette petite, c'est normal."
On boit de la liqueur en faisant
l'éloge de la tévé, qui apprendra
aux "mômes " "l'histoire de
France, l'histoire universelle même". Suit une
discussion d'une "haute tenue morale et
philosophique" sur le caractère historique des "actualités"
qui passent au cinéma ou à la télévision. Comme
il se doit, chacun se comprend, et sait qu'il a raison.
Comme dans un film, avec un "bar
qui se donne l'air de ressembler à tous les autres" et pourrait servir de décor à
un film sur le Milieu. Voyez la mise
en scène pour l'arrivée du Caïd:
"L'homme à la casquette
nettoie les verres. Il n'adresse pas la parole à Cidrolin.
Cidrolin ne lui adresse pas la parole.
C'est alors qu'entre Albert...
(long silence entre deux chapitres)
... En voyant Cidrolin, Albert s'abstient de tout témoignage
extravagant de surprise, de reconnaissance ou de joie. Il s'assoit
tranquillement, il lui serre la pince, il commande au patron une coupe
de champagne."
Jean Gabin vient d'entrer! Et voici, dans ce même café Biture,
la fin du caïd Albert:
"J'attends monsieur Albert...
- Albert? quel monsieur Albert? vous croyez que je connais tous mes clients par
leur nom?... Lalix insiste..........
- Eh bien monsieur Albert, si c'est lui que vous cherchez, il est en tôle...
- C'est bien ma veine, murmure Lalix.
- Des monsieur Albert t'en trouveras des charibotées si c'est ça que tu cherches...
Elle va se mettre à pleurer, Onésiphore prend les devants:
- Barre-toi barre-toi, qu'il dit." ...
Nous
sommes dans une séquence de Fric Frac ou du Rififi! On vous
avait promis "Du Français Garanti Pur Beurre".
Le contrat est rempli, j'espère!
Nous allons maintenant pouvoir passer à la partie
suivante: le sujet,
l'histoire, les thèmes, si toutefois nous parvenons à nous y retrouver!
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