I. La mort de Rodrigue (> v.
1500).
Elle est lancée à Chimène, en
pleine figure! Comptez, dans ce passage, le nombre de termes qui l'expriment, c'est
impressionnant.
D'entrée, elle est énoncée trois fois en sept vers, comme une affirmation par
Rodrigue: "Je vais mourir",
puis en deux exclamations incrédules par Chimène:
"Tu vas mourir!"
Le premier prétend la considérer comme un bonheur, puisqu'elle
comblera les voeux de Chimène, mais, loin de prendre en compte cette responsabilité,
celle-ci fait mine de croire que son fiancé a peur.
Rodrigue doit donc lui répéter plus clairement que c'est pour elle, et à cause
d'elle seule qu'il va s'offrir à la mort.
Il faut inventer une autre parade.
II L'honneur de Rodrigue ( v. 1546):
Là, Chimène est sûre de toucher un point sensible:
"Quand on le (=te) saura mort, on le
(=te) croira vaincu".
(Elle glisse aussi, mais trop allusivement, un argument de grand
intérêt: "l'espoir le plus doux de ma possession").
Rodrigue pourtant, ne se laise pas impressionner:
"Après la mort du Comte, et les Mores
défaits,
Faudrait-il à ma gloire encore d'autres effets?"
Il rappelle ses choix:
"Préférant:
"Son honneur à Chimène et Chimène à sa vie",
il est sûr que son "trépas volontaire"
ne pourra qu'augmenter sa gloire aux yeux du monde.
III Le mot décisif
(> v. 1557).
Chimène a perdu. Avec des raisons qui la
maintenaient hors de cause, elle n'a pas convaincu : "ta
vie et ton honneur sont de faibles appâts".
Elle doit aller plus loin et s'engager personnellement si elle veut le sauver.
Précipitamment, en six vers, elle avoue: qu'elle a horreur de son champion:
"Défends-toi maintenant pour m'ôter à Don Sanche",
qu'elle souhaite la victoire de Rodrigue et lui accordera sa récompense:
"Sors vainqueur d'un combat dont Chimène est le prix".
Enfin! Rodrigue exulte. Les fanfaronnades qu'il s'était interdites
dans le récit de son combat contre les Mores, il s'y livre ici avec ivresse:
"Paraissez, Navarrais, Mores et
Castillans,
Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants!"
Cette victoire sur l'opiniâtreté de sa fiancée,
c'est la promesse de son bonheur.
Tandis que les deux soupirants
de Chimène croisent le fer pour ses beaux yeux, l'Infante se berce d'illusions (V 2), malgré les remontrances de sa confidente (V 4):
"Allez, dans le caprice où votre humeur
s'obstine,
Vous ne méritez pas l'amant qu'on vous destine!"
Chimène se lamente et s'entête à refuser l'idée de souscrire au
jugement des armes s'il est favorable à son fiancé. Nous notons que l'honneur de cette demoiselle, n'est pas moins intransigeant que celui de
Don Diègue. Au fond, les deux irréductibles, ce sont ces deux-là, et Rodrigue a
vraiment affaire à forte partie!
Mais voici venir Don Sanche, chargé de deux
épées!
Devant ces armes meurtrières,
une même émotion arrache à la jeune fille la même plainte qu'à la vue de l'épée qui
tua son père (III 4):
"Quoi! du sang de Rodrigue encor toute trempée!"
Sans laisser au pauvre garçon le temps de s'expliquer, elle fonce
comme une furie, elle l'accable de ses injures, de son mépris, elle crie ses
sentiments sans honte ni retenue:
"Éclate, mon amour, tu n'as plus rien à
craindre".
Elle supplie le roi, survenu à son tour,
de la laisser à sa douleur (V 6). Voilà donc avoué qu'elle aime
toujours Rodrigue.
Et, puisque, loin d'avoir
succombé, celui-ci, vainqueur, a fait grâce à son adversaire, elle acceptera
un
jour, poussée et encouragée par Don Fernand et les siens, d'épouser celui qui l'a si
bien méritée (V7).
"Tout est bien qui finit bien!" diraient les élèves pour conclure cette belle
histoire d'honneur et d'amour.
Rodrigue est passé par de terribles épreuves, il les affrontées avec courage
et lucidité. Il les a surmontées, parce que, sans se soucier de lui-même, il
concentrait chaque fois toutes ses forces sur le but à atteindre.
Ne pas se laisser intimider, ni marcher sur les
pieds, croire en son étoile, n'avoir pas froid aux yeux, risquer le tout pour le tout et
chaque fois remporter le gros lot, voilà de quoi enthousiasmer les jeunes, et ceux qui
veulent garder un coeur jeune.
En peignant la réussite de ce héros attachant,
Corneille nous prouve son optimisme.
Il croit à la
dynamique victorieuse des valeurs morales
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