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Achille: le chéri des dieux
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Associable, emporté, il peut impunément donner libre
cours à son égocentrisme et se montrer odieux: il est le fils de la
déesse Thétis!
Sur l'Olympe, on lui passe tout. Il peut tout entreprendre, se mettre dans
les situations les plus difficiles, une intervention divine lui prêtera
toujours son assistance.
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Qu'il se dispute avec son supérieur hiérarchique, sa mère
accourt pour le consoler.
Qu'il perde ses armes, le dieu forgeron s'empresse de lui en fabriquer de
plus belles, ainsi, plus tard, quand une lance l'atteint avec une force
qui devrait le blesser gravement, sa cuirasse divine, plus épaisse que
celle des pauvres humains, le protège de toute égratignure.
Qu'il décide de se montrer sur le front, il apparaît aux yeux des
ennemis, nimbé par Athéna d'une nuée terrifiante.
Qu'un fleuve, pour punir sa cruauté, menace de le noyer, on s'affole chez
les Immortels, Athéna et Poséidon viennent lui rendre courage, Héra
charge son fils Héphaïstos d'apporter du feu pour faire cesser le
danger.
Qu'Hector essaie de lui échapper, Athéna ramène par un stratagème le
malheureux sous sa griffe.
Qu'il fasse tomber son javelot, il est remis à sa portée par cette même
déesse.
Et Zeus, le Père des dieux s'inquiète de son sort, Zeus
souhaite le voir triompher.
Deux divinités échappent à cette faiblesse, le fleuve
Scamandre, que d'autres appellent le Xanthe, et l'Archer Apollon. Tous
deux, il est vrai, protègent Troie, mais les circonstances où éclate
leur indignation sont de pure justice.
Avant de précipiter sur lui ses eaux bouillonnantes, le fleuve
l'interpelle: "Achille, tu l'emportes sur tous les humains par ta
force, mais aussi par tes méfaits. Tu as toujours des dieux prêts à
t'assister d'eux-mêmes. Si le fils de Cronos t'accorde d'anéantir tous
les Troyens, du moins, chasse-les loin de moi, dans la plaine, avant de te
livrer à ces atrocités. Mes aimables ondes déjà sont pleines de
cadavres... et toi, tu vas toujours tuant, exterminant..."
Devant les insultes indéfiniment répétées qu'Achille
inflige au cadavre d'Hector, Apollon reproche aux dieux leur indulgence:
"Vous préférez donc, dieux, prêter aide à Achille, à l'exécrable
Achille, alors que celui-ci n'a ni raison, ni coeur qui se laisse fléchir
au fond de sa poitrine, et qu'il ne connaît que pensers féroces. On
dirait un lion qui, docile à l'appel de sa vigueur puissante et de son
coeur superbe, vient se jeter sur les brebis des hommes pour s'en faire un
festin. Achille a, comme lui, quitté toute pitié, il ignore le
respect".
4 Est-il vraiment détestable?
Cet homme qui, apparemment, ne s'intéresse qu'à ses propres
affaires et n'a d'autres horizons que guerriers, a quelques moments de
simple humanité qui le rendent sympathique.
Le voici dans sa baraque, où "son coeur se plaît à toucher
d'une cithare sonore, belle cithare ouvragée que surmonte une traverse
d'argent... tandis qu'il chante les exploits des héros. Seul, en face de
lui, Patrocle est assis en silence".
Des visiteurs se présentent, envoyés par Agamemnon
pour négocier une réconciliation, Achille, aussitôt, se lève et les
accueille avec empressement. Il charge Patrocle de préparer la
boisson, tandis que lui-même s'active aux brochettes, avec savoir-faire
et prestesse. Il se montre sincèrement ravi de revoir Ajax et Ulysse:
"N'êtes-vous pas pour moi, malgré mon dépit, les plus chers des
Achéens?"
Certes, il ne cache pas aux deux ambassadeurs que leurs
belles paroles seront inutiles: "vous n'aurez pas à roucouler
l'un après l'autre, assis là, à mes côtés", il reste sur sa
position, dit sa rancoeur et refuse avec hauteur les offres mirobolantes
d'Agamemnon.
On sent chez lui, l'orgueil blessé, mais il laisse aussi
percer un réel chagrin, celui d'avoir perdu sa "douce épouse",
"celle-là, je l'aimais, moi, du fond du coeur, toute captive
qu'elle était".
Puis il confie à ses amis ses réflexions et ses rêves:
"Mon noble coeur bien souvent m'a poussé à prendre (là) pour légitime
épouse une compagne qui convînt à mon rang, afin de jouir ensuite,
tranquille, des trésors du vieux Pélée. Il n'est rien pour moi qui
vaille la vie, pas même les richesses... On enlève boeufs, gras
moutons, on achète trépieds et chevaux aux crins blonds: la vie d'un
homme ne se retrouve pas".
Lui qui semblait avoir choisi, des deux destins que lui
offrait le sort, celui qui lui assurerait la gloire, au prix d'une vie
brève, le voici tenté d'y renoncer: "Si je m'en
reviens, au contraire, dans la terre de ma patrie, c'en est fait, pour
moi, de la noble gloire, une longue vie, en revanche, m'est réservée...
Oui, et c'est même à tous que je conseillerais, moi, de voguer vers
leurs foyers".
Est-ce l'inaction qui amène Achille à reconsidérer les
valeurs de l'existence?
J'y verrais aussi l'influence apaisante de Patrocle, dont tous
connaissent la délicatesse de cœur, et dont, après sa mort, ils se
souviennent avec émotion: "Rappelez-vous bien, à cette heure, la
bonté du pauvre Patrocle: il savait être doux à tous quand il vivait",
dit Ménélas. Et Briséis: "Même le jour où le rapide Achille
eut tué mon époux et ravagé la ville du divin Mynès, tu ne me laissais
pas pleurer... Et c'est pourquoi, sur ton cadavre, je verse des larmes
sans fin, toi qui toujours étais si doux!" Nous sentons combien on
aimait ce guerrier, à la façon désespérée dont on lutte pour
conserver son corps.
Avoir eu un ami de cette qualité honore Achille,
et si l'expression violente de son désespoir nous choque, nous apprécions
sa fidélité à la mémoire de Patrocle.
Les jeux funèbres qu'il organise, la valeur et l'abondance
des prix qu'il distribue aux vainqueurs donnent la mesure de son affection
pour le héros, mais aussi de sa générosité.
Il se montre, pendant tout le déroulement de la fête, un hôte
attentif et efficace, soucieux de voir chacun respecté et satisfait.
Il offre avec déférence une belle coupe au vieux Nestor, que son âge
empêche de concourir. Il apaise une querelle entre supporters: "N'échangez
plus ainsi de propos méchants et durs, Ajax et Idoménée. ... Allons,
restez donc là, assis dans l'assemblée, et regardez les chars".
Il départage des vainqueurs: "Antiloque, puisque tu m'invites à
tirer de chez moi un autre présent pour Eumèle, c'est ce que je ferai."
Et il se garde d'assombrir par son chagrin une compétition sportive qui
fait pour un moment oublier les peines
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Un moment inoubliable, la sensibilité du héros
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